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DOSSIER 2008 – Les 3 pochettes les plus craignos

23 Mar

meshuggah - obzen

MESHUGGAH
ObZen

(Nuclear Blast)

Ôôôm… Top ! Qui suis-je ? Je suis un maître Zen. Malgré mes trois bras, je ne suis pas très adroit. Licencié par les abattoirs de Paris pour cause de négligence et d’outrage aux bonnes mœurs, on me dit néanmoins souple. Les jours de pluie, je suis capable de garder la position du lotus sur un bloc de béton armé pendant plus de 20 minutes avec un doigt sur ma bouche. Je ne porte pas de culotte, j’ai le teint brouillé, j’ai tout mangé le chocolat et je fais caca sous moi. Je suis ? Je suis ?

MERZBOW
Dolphin Sonar

(Important Records)

Masami Akita alias Merzbow, c’est un peu le Allain Bougrain-Dubourg – ou, soyons miséricordieux, disons plutôt le commandant Cousteau – de l’abstraction bruitiste. Son 250ème album, Animal Magnetism, était déjà un hommage cuisant à ses petits protégés domestiques, les attachants poulets noirs. Cette fois, Sonar Dolphin est un cri du cœur contre le massacre annuel de plusieurs milliers de dauphins en eaux japonaises. La cause est noble et l’illustration l’est presque autant : plongeant dans les profondeurs sous-marines, armé de ses lunettes de soleil et de son laptop waterproof, l’homme de l’Atlantide entre en communication ultrasonique intime avec ses nouveaux amis. C’est assez ! Vite, un Galak !

DON CABALLERO
Punkgasm
(Relapse)

Allez, on vous épargne le laïus sur la dimension artistique et philosophique du miroir, l’ «autre dimension» chez Lewis Carol, la réflexion, la mise en abyme et le tableau dans le tableau. Comme tout le monde, petit enfant deviendra grand et prendra conscience de sa propre mort. Ado, il fera de l’acné juvénile, prendra sa première cuite et un jour, qui sait, aura peut-être un formidable punkgasm en tombant sur cette pochette esthétiquement aussi excitante et subversive qu’une page du catalogue La Redoute. Heureusement que l’habit ne fait pas le moine.

Francoise Massacre
Publié dans: NOISE MAG #8 (jan/fév 2009)
couv NOISE MAG#8

DOSSIER 2008 – La meilleure pochette

23 Mar

A.H. KRAKEN
Elle avait peut-être 19 ans mais pour moi elle en aura toujours 12
(In The Red)

Mal de vivre, dimanche après-midi. Pas classe. Intérieur rustique. Porte en bois massif avec carreaux de verre ondulés teinte jaunâtre. Papier peint sylvestre mettant en scène une famille de paisibles cervidés. Le décor est planté et au milieu, ou plutôt à gauche, devant la porte, il y a Christelle, Océane ou Amélie – peu importe -, cette adolescente mal dégrossie qui a peut-être 19 ans mais qui pour nous en aura toujours 12. Dans son t-shirt Slipknot taille XL, elle pose avec le fusil de chasse de Papa, le regard torve, encore ramolli par le maquillage de la veille… Et finalement, le plus cruel dans cette scène, c’est qu’elle suinte le réel. Bruno Dumont ou Harmony Korine n’y sont pour rien, White Thrash is REAL.
Francoise Massacre
Publié dans: NOISE MAG #8 (jan/fév 2009)
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DOSSIER 2008 – 4 albums « made in France »

23 Mar


DEATH TO PIGS
Carnal Carnival
(Gaffer / Down Boy)

Et si la Lorraine était à la France ce que Providence fut aux États-Unis d’Amérique à l’orée du XXIème siècle ? Un vivier pour l’underground noise/punk/garage décadent et un certain talent pour réveiller un Do It Yourself paralysé par une meute de chiens pelés et un syndicat de têtes de mort. Death To Pigs a choisi la méthode double: injection d’adrénaline plus électrochocs, comprendre un enchaînement de titres abrasifs et frénétiques, entre sursauts no-wave façon New-York circa 80, post-punk classe internationale (PIL, Birthday Party, Pere Ubu) et, puisqu’on parle de Providence, noise accidentée à la Arab on Radar.

A.H. KRAKEN
Elle avait peut-être 19 ans mais pour moi elle en aura toujours 12
(In The Red)

Encore la Lorraine, toujours la Lorraine, sa couleur locale – glauque et interlope – et son odeur de pisse et de chaos. A.H. Kraken, c’est le choc des cultures thrash endémiques, ou quand une noise-punk nauséabonde héritée de quelques dégénérés d’Outre-Atlantique (Chrome, Butthole Surfers, Flipper ou – encore – Arab on Radar, une influence décidément très prisée dans cette partie de l’hexagone) sert de bande-son à des histoires de sinistrose ordinaire glanées au cul de la France profonde. A.H. Kraken a rejoint l’écurie In The Red aux côtés des Black Lips, Jay Reatard, Dirtbombs et Andre Williams, preuve que le rock-pute de l’Est se porte aussi bien qu’il s’exporte.

SHUB
The Snake, the Goose & the Ladder
(Go Back / Down Boy / Rejuvenation / Karaoke 666 / Whosbrain)

Après Jarnac vs Seattle, après Providence vs la Lorraine, voici le Gard (Face A) contre le Texas (Face B). Formes géographiques identiques, même amour du pétrole et du raffinement, même classe dans le port du Stetson (en feutre pour les uns, en paille pour les autres) et quatre lettres en commun (B.U.S.H). Mais la ressemblance s’arrête là. Car le trio français gardois a inventé le Shub, un genre de rock transcontinental unique, railleur, tendu et épique; un groove hybride entre post-punk et noise progressive, un peu de Shellac, de The Ex ou de Dick Dale par flashs et des riffs belliqueux qui avancent par paliers et deviennent des idées fixes. Un album anti-guerre froide qui ravira aussi bien le front de l’Ouest que le front de l’Est : ouais, elle déchire cette cover de Prokofiev, mec !

WARSAW WAS RAW
Chaajoth
(Rejuvenation / Guerilla Asso / La Mâchoire)

À l’heure où l’on vous parle, l’entité palydrom-ique parisienne est devenue un trio chant guitare/batterie/voix (féminine). Mais Chaajoth a bien été enregistré en formule quintet avant le départ d’Amélie (également au chant/cris/argh !) et du bassiste Koja. Avec 9 titres pour 9 minutes 26 d’hystérie collective noisythrashcore/grindcrustopunk entre Locust, Das Oath, Dazzling Killmen et Daughters, ce premier « full-lengh » fulgurant tout en cassures rythmiques et en raclements de gorge profonde est ce qu’on pourrait appeler un petit concis de musique de barges, une ellipse cathartique à l’attention des grands dégénérés du bulbe.

Francoise Massacre
Publié dans: NOISE MAG #8 (jan/fév 2009)
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DOSSIER 2008 – Rééditions

23 Mar




MISSION OF BURMA
Signals, Calls, And Marches
VS.
The Horrible Truth About Burma
(Matador)

On ne fera même pas l’effort de vous expliquer que l’intérêt n°1 de ces trois rééditions incontournables de Burma (remasterisées et disponibles en LP ou CD), c’est avant tout la musique de ce groupe post-punk de Boston qui, en deux disques cruciaux – Signals, Calls, And Marches (premier EP 10 titres, 1981) et VS. (premier album studio, 1982) – fit sauter les verrous temporels entre la décennie passée (première vague du punk américain et anglais) et les quinze années qui allaient suivre (hardcore, noise, indie rock, alt-pop, émo et leurs innombrables combinaisons). Pour le reste, chaque réédition est augmentée de bonus tracks (singles, 12’’, outtakes et morceaux live correspondant à la même tournée que les pistes de l’album live de 1985 The Horrible Truth About Burma), de notes de pochettes comprenant photos d’archives et interview du groupe par le boss de Matador et d’un DVD avec des concerts filmés entre 79 et 83. Must-have.
Francoise Massacre
Publié dans: NOISE MAG #8 (jan/fév 2009)
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DOSSIER 2008 – Déception

23 Mar

MISSION OF BURMA @ La Villette Sonique 2008 (Paris)

Ce soir-là, on était venus pour Mission of Burma, pas vraiment pour Shellac. Il faut dire que dans la micro-discographie des Bostoniens, rien n’est à jeter, que les échos de leurs derniers concerts à Paris étaient tous fameux et que pour le coup, la dernière apparition de Shellac au Bataclan (un « Bob Weston Show » tout du long) nous avait considérablement refroidis. Bilan de La Villette Sonique : Chicago = 1 (concert exceptionnel) / Boston = 0 ! Mission of Burma non accomplie : un son dégueulasse (pourtant, c’est Bob Weston à la façade. Sabotage ?), des morceaux à peine reconnaissables, un chant archi-faux d’un côté, inaudible de l’autre et le charisme : oublié backstage. On était venus pour Burma, on est repartis réconciliés avec Shellac.
Francoise Massacre
Publié dans: NOISE MAG #8 (jan/fév 2009)
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DOSSIER 2008 – Retour gagnant

23 Mar

R.E.M.
Accelerate
(Warner)

De Out Of Time à Up, les années 90 signaient la consécration commerciale de REM mais aussi, avec les premiers tubes planétaires, le début de la débandade créatrice, le chant du cygne du plus passionnant des groupes de pop nés sous l’ère Reagan. Les deux bouses putassières sorties au début des années 2000 sonnent définitivement le glas : REM n’a plus rien à dire, le groupe n’est plus que l’ombre moribonde de lui-même. Et alors qu’on les croyait englués à tout jamais sous une épaisse pluie de dollars, voilà que Buck, Mills et Stipe nous font le coup du come-back éblouissant avec un album comme on n’en avait pas entendu depuis Green. On n’en oublierait presque cette grosse décennie de malheur. Accelerate porte rudement bien son nom.
Francoise Massacre
Publié dans: NOISE MAG #8 (jan/fév 2009)
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DOSSIER 2008 – Ce qu’on a failli rater

23 Mar

MORKOBOT
MoRtO
(Supernatural Cat)

Après un premier volet éponyme alléchant, un second volet très réussi (MoStRo), MoRtO vient clore plus que dignement la trilogie entamée en 2005 par cette entité cosmique qui prétend venir de l’espace afin de répandre le verbe suprême sur Terre… Nous pensions naïvement qu’ils étaient italiens. Toujours est-il que ce troisième album entièrement instrumental sorti dans la confidentialité de Supernatural Cat (le label de Ufomammut) est une fantastique odyssée au cœur de la matière noise-rock psychédélique, de ses bruits métalliques déliquescents et de ses atmosphères industrielles saturées.
Francoise Massacre
Publié dans: NOISE MAG #8 (jan/fév 2009)
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DOSSIER 2008 – Une découverte

23 Mar

SCUL HAZZARDS
Let Them Sink
(Rejuvenation / Les Disques du Hanger 221 / Slow Death / Whosbrain / Shot Down)

Un trio australien guitare-chant/basse/batterie versé dans la noise abrasive école Jesus Lizard, Table et autres combos AmRepiens émigre l’année dernière en Angleterre. Let Them Sink, leur premier album rêche et fielleux, est lâché en début d’année grâce à une coalition de labels de chez nous. Mars 2008, premier passage logique par la France et un concert parisien de feu dicté par l’urgence, la rage, la pugnacité et… oui Madame, le plaisir. Fin octobre, retour des australiens qui, faisant fi d’un public emplâtré, clairsemé et passablement aviné, n’ont jamais lâché prise et ont donné l’un des concerts les plus intenses de l’année.

Francoise Massacre
Publié dans: NOISE MAG #8 (jan/fév 2009)
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DOSSIER 2008 – Noir c’est noir (enfin presque)

23 Mar

Il y a quelque chose de pourri au royaume du black metal. Depuis la sortie du Black One de Sunn O))) en 2005, le genre n’a cessé de se démocratiser, mutant, abandonnant ses oripeaux archaïques pour sortir du marigot putride mais confortable dans lequel il était confiné jusqu’alors pour se pavaner sous les lumières fragiles du renouveau. Du jeune geek au bon père de famille, le fan n’est plus le jeune paria esseulé qu’il était autrefois et le black s’écoute désormais en famille. Non, rien ne va plus, tout fout le camp. Mais comment voulez-vous que l’ancien monde – celui des traditions, celui des purs, des durs, des vrais, de ceux qui fondèrent le mythe d’un true black evil, viril et sataniste – ne s’écroule pas à l’heure où le chanteur de l’un des groupes les plus cultes de la scène fait son coming-out à la presse musicale allemande ? Mesdames et Messieurs, en 2008 la nouvelle est tombée : le grand Gaal (de son VRAI nom Kristian Espedal, c’est beau comme un poème) de Gorgoroth aime les hommes, et l’on ne compte plus le nombre d’ados corpspaintés qui se sont autoflagellés avec leur ceinture à clous en apprenant la nouvelle. On attend avec impatience les aveux de Varg Vikerness quant à son appartenance au parti communiste.

Qui encore aurait pu prédire que l’autodérision s’inviterait au cœur du chaos et qu’Attila Csihar, la plus grande voix du black metal originel, celle de l’immense, du légendaire De Mysteriis Dom Satanas, se commettrait sur scène avec Mayhem déguisé en Bugs Bunny, en Leguman ou en sapin de Noël ? C’est une question de survie. Les vieux pandas en voie d’extinction n’ont désormais plus d’autre choix que de faire peau neuve face à la déferlante USBM. Car s’il ne fait plus peur à personne, le black metal est devenu un terrain d’expérimentations et d’hybridations plus ou moins heureux (on vous laisse la liberté d’appréciation) dont le foyer d’activité numéro un se situe de l’autre côté de l’Atlantique. De microbuzz en microbuzz, on a assisté cette année encore à un pullulement de sorties black metal/ambient/shoegaze dans la lignée de Leviathan, Crebain ou Xasthur sur des labels pas forcément dédiés au genre : Cobalt, Wolves In The Throne Room, Velvet Cacoon, Striborg, Mick Barr et ses divers projets (Krallice et Ocrilim) ou encore Nachtmystium pour la face psychédélique du genre. Nordvarg (Suède), Wold (Canada), Gnaw Their Tongues (Pays-Bas), Blut Aus Nord et Gargouillax (France), les autres parties du monde non plus n’ont pas failli, les terres encore fertiles ont été cultivées et les accros à la newsletter d’Aquarius Records savent même qu’un petit génie du black metal s’est réveillé au cœur d’une nation des plus improbables, la Corée, et que son nom est Pyha. L’ordre black mondial s’inverse et c’est tout à son honneur. Prions juste pour qu’en 2009, à force d’être porté, nettoyé et essoré, le metal noir ne finira pas par paraître complètement délavé.

DOSSIER 2008 – Maisons de disques, baraques à frites et châteaux de cartes

23 Mar

Quand on parle de disques, on parle fatalement de maisons de disques. Alors soyons fairplay et laissons donc une tribune ouverte aux grands propriétaires des lieux, aux vrais seigneurs de la vieille pierre, à ces hôtes philanthropes sans qui la production mondiale bien grasse ne serait rien qu’un pauvre hère déguenillé.


« En 2008, on a cru rêver, nous, la France de ceux qui se lèvent tôt pour se partager 80% du marché du disque. Car nous n’avons toujours pas avancé d’un iota et le marché est en « crise ». C’est que c’est fatiguant de se plaindre, ça use, ça prend du temps et ça empêche de réfléchir. D’abord, il a fallu se plaindre parce que, malgré toutes nos menaces, malgré tous nos avertissements, les petites gens s’évertuaient encore à télécharger nos productions à la mords-moi le nœud sur les sites de p2p ou les mp3 blogs. Pirater, c’est voler, oui, même en 2008. Et le vol, même de caca, il faut bien le punir. D’ailleurs je vous le demande, mais que fait la police ? Il a encore fallu se lamenter lorsque le vulgum pecuss’est mis à acheter de plus en plus de disques à l’étranger via le réseau informatique mondial et les sites de vente en ligne sous prétexte que là-bas, à qualité égale, on les paye souvent moins chers que chez nous. C’est que je te les enverrais aux travaux forcés ces égoïstes, cette racaille, ces ingrats, ces apatrides ! Et puis, encore, nous nous sommes fâchés tout rouge en constatant que certaines enseignes sous-contrat avaient eu l’arrogance de mettre à la disposition des pigeons des imports américains (quelqu’un a dit Metallica ?) à 10 euros moins chers que leurs/nos équivalents français. Mais de qui se moque-t-on ? C’est que la France, tu l’aimes ou tu la quittes, pauvre smicard ! Et dire que ces fous sont pourtant prêts à se saigner pour se payer ce qu’ils appellent des « beaux objets »ou encore des « putain de trucs cools, quoi ». Nous avons pourtant tout fait, nous et les derniers templiers de la consommation culturelle, pour balayer la concurrence, déréférencer, tuer le disque dans l’œuf, l’enterrer vivant, appauvrir l’offre jusqu’à la famine pour évincer les petits éditeurs, ces abrutis qui croient encore que certains disques valent mieux qu’un paquet de lessive. Tient, en parlant de lessive, on s’est franchement bidonnés en blanchissant ces pauvres nègres de Kool & The Gang, une vraie réussite marketing bwana ! Et maintenant, que le pisse-froid, que la pédale de gauche qui a dit que dans le contexte actuel (snack, Krach, pop), continuer à vendre un bout de plastoc (= un CD) pour un prix équivalent à quatre bons kebabs revenait à se foutre de la gueule du monde, à scier la branche sur laquelle on était assis et même à se tirer une balle dans le pied soit pendu ! D’ailleurs, vous pouvez bien la brûler la branche, et nos pieds avec, on les conchie, car l’avenir de la musique appartient à la téléphonie mobile et c’est vraiment TRÈS excitant. Alors soit, le marché est en crise. Et bien persistons et achevons-le, mais surtout, chhhht… continuons de jouer les martyrs martyrisés – Aaah, au vol ! Ma cassette ! Il faut bien légitimer et les sanctions et les dommages et intérêts. Et l’année prochaine comme en 2008, on ne lâchera rien, on ne cèdera rien : ce n’est pas nous qui irons au peuple, c’est le peuple qui viendra à nous, dussions-nous en passer par la force. »

Francoise Massacre
Publié dans: NOISE MAG #8 (jan/fév 2009)
couv NOISE MAG#8