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Interview – MATT PIKE/SLEEP : Sonic Titans

5 Sep

C’est dans la chaleur de la porte de Pantin que l’on retrouve Matt Pike, frontman édenté de High On Fire et guitariste de Sleep, groupe-Phoenix du stoner-doom que l’on avait vu renaître de ses cendres en 2009 (et il y avait de quoi faire quand on sait les kilomètres de joints et les montagnes de bangs qui sont passés et qui passent toujours entre leurs mains). Un peu moins de 10 ans auparavant, en 1999, le trio avait accédé au rang de formation culte avec Jerusalem (qui deviendra Dopesmoker quelques années plus tard), morceau-album maudit et radical, dernier avant la dislocation du groupe. A l’occasion de leur venue à Paris dans le cadre de l’édition 2012 de la Villette Sonique, Matt Pike tel qu’en lui même, le cheveu gras, la bière à la main, les tatouages dehors et la bedaine au vent, évoque l’histoire du groupe, non sans afficher un certain trouble. « Séquence émotion ».

 J’ai assisté à vos deux premiers concerts de reformation au ATP festival en 2009. A ce moment-là, ces concerts étaient supposés être les derniers, un one-shot. Finalement, vous avez continué et vous êtes là aujourd’hui. Qu’est-ce qui vous a fait changer d’avis ?

C’était tellement bien. On s’est vraiment marrés alors on s’est dit pourquoi ne pas continuer ? Il s’est avéré que Chris Haikus, le batteur, préférait s’arrêter là mais Jason (Ndlr : Roeder, de Neurosis) est monté à bord immédiatement. On se connait depuis qu’on est gamins. Il n’a que quelques années de plus que moi. A l’époque d’Asbestos Death (Ndlr : groupe pre-Sleep) et aux débuts de Sleep, les mecs de Neurosis nous avait pris sous leur aile. Jay connaissait déjà tous les morceaux et quand il a dû remplacer Chris, il est arrivé et il a plié ça en moins de deux. Jason Roeder est un des types les plus dingues que j’ai rencontré et un batteur exceptionnel. Il n’a jamais essayé de remplacer Chris, d’être la « nouvelle » petite-copine après le départ de l’ex. En revanche, il a fait en sorte que Sleep devienne aussi son groupe, il est la physiquement et moralement. C’est notre groupe maintenant.

Ça ne doit pas être facile de jouer des morceaux dont on n’est pas à l’origine.

Je crois qu’il s’en fout. Qu’il les a re-composés en quelque sorte. Et puis la musique de Sleep, c’est un rêve éveillé pour un batteur. Il y a tellement d’espace à prendre. Tu peux faire ce que tu veux.

Qu’est-ce qui vous a poussé à jouer de nouveau ensemble en 2009, onze ou douze ans après la dislocation du groupe ?

Parce que ça nous amusait. Tu t’amuses tout en te faisant du fric et tu passes du temps avec tes vieux copains. Al et moi, on est amis depuis le collège. J’aime ce mec. C’est avec lui que j’ai appris à jouer. On était ensemble en école de musique, on a étudié ensemble… On était aussi des gros fumeurs de bangs mais ce qui nous liait vraiment, c’était la musique. On a travaillé dur. Et aujourd’hui, c’est mon job. Peu de gens peuvent se targuer de vivre de leur musique en s’en étant vraiment donné les moyens. Je suis assez fier de ça.

Finalement, c’est quand même la proposition des ATP qui vous a servi de déclic ?

Oui.

Comment était ce tout premier concert de reformation, de l’intérieur ?

Quand on a commencé à jouer le tout premier morceau, que j’ai vu les gens dans la salle, je me suis mis à pleurer… Je te jure. C’était tellement énorme, tellement intense. Honnêtement, je ne m’attendais pas du tout à ça. J’ai vraiment pris sur moi pour ne pas me mettre à chialer pour de bon.

Pourquoi Chris n’a-t-il pas voulu continuer ?

Disons que Chris n’est pas un être franchement sociable. Il n’aime pas la foule. Il aime la montagne, sa vie avec sa femme dans les bois. Je n’irais pas jusqu’à dire que c’est un moine mais c’est quelqu’un qui est très porté sur une certaine forme de spiritualité. Il voulait rester en dehors de tout ça, ne pas être un personnage public. Je peux le comprendre même si je suis un peu à l’opposé : je n’ai rien contre le fait d’être reconnu pour ce que je fais ni de gagner de l’argent avec ça. Lui gagne sa vie autrement, d’une façon qui n’implique que lui et sa femme.

Il faisait vraiment homme des montagnes avec son collier de barbe, ses pompes de marche et son bermuda…

Exactement, il se fout de tout ça. La publicité, la célébrité, ça ne l’intéresse pas. C’est plutôt sage. Il faut être incroyablement solide pour vivre dans ce business si tu veux rester sain d’esprit. J’ai complètement perdu la tête pendant un moment et je viens seulement de la retrouver. Je prenais des cachets de Vicodin par dizaine, je suis tombé dans la coke, je buvais, je buvais, je buvais… Si tu ne retrouves pas une certaine forme de normalité, tu crèves très rapidement. Oui bon, je suis en train de boire une bière (rire). Mais je suis assez transparent comme mec, dans le sens où je n’ai pas de filtre, je mens très rarement, j’ai l’habitude de dire ce qui me passe par la tête… et je n’ai peur de rien… Si en fait. J’ai peur du noir. Je n’aime pas me retrouver dans le noir. C’est spirituel, une peur spirituelle.

C’est quoi, la peur de te retrouver face à toi-même ?

Oui, je ne sais pas… C’est dur à expliquer. Les médecins non plus n’arrivent pas à l’expliquer. J’ai essayé l’acupuncture, la chiropractie et différentes thérapies mais les docteurs m’ont rapidement gonflé. J’ai fini par arrêter. La scène est devenue ma thérapie. J’ai besoin d’avoir quelque chose à faire pour rester équilibré. Si je n’ai rien à faire, je deviens dingue.

Sur scène Al est très statique, concentré et introverti alors que toi, tu dégages au contraire une forme de panache et beaucoup d’énergie. Dirais-tu que vous êtes complémentaires ?

Je crois oui. D’ailleurs Sleep est basé sur cette complémentarité. Dans High On Fire, je suis le frontman, je vais au charbon, j’essaye d’aller au devant du public, j’ai un rôle de lead et c’est moi qui décide où j’emmène la section rythmique. En revanche avec Sleep, je reste plus en retrait et je fais mon job, celui-ci consistant à rendre le son le plus puissant possible et à me faire le complément des gens avec qui je joue. C’est comme les pommes et les oignons, ce sont deux expériences délicieuses et complètement différentes. J’ai beaucoup de chance de jouer avec ces gens-là. C’est tellement intense… (Une fille passe devant nous. Il s’interrompt) Désolé, on dirait ma femme, une grande amazone avec de longs cheveux noirs. Elle me manque.

Tu es marié ?

Pas encore. Je lui ai demandé de m’épouser à Rome.

Elle a dit oui ?

Oui. Au départ, elle a pleuré pendant presque une heure. Au bout d’un moment, je lui ai demandé « Bon, c’est un putain de oui ou un non, bordel !? » (rire). Elle a dit « Mais oui, oui ! ». Ca faisait une heure qu’elle ne disait rien, on a failli s’engueuler (rire).

Dans les années 90, vous avez joué souvent Jerusalem/Dopesmoker sur scène. Al disait que personne ne s’y intéressait vraiment jusqu’à votre séparation…

Oui, après notre séparation, les choses ont pris beaucoup d’ampleur. Qui aurait pu s’y attendre ? Après ce disque (Ndlr : En 1995, Sleep enregistre Dopesmoker, un long morceau de plus d’une heure. London Records, leur maison de disque, refuse de le sortir. Sleep réenregistre alors le même morceau, raccourci à 52 minutes, sous le nom de Jerusalem. Second refus de la maison de disque. Frustré, le groupe décide de se séparer), quand on s’est séparé, je savais, j’étais certain que c’était la bonne décision et que ça allait finir par payer. C’est comme Bobby Fisher, le joueur d’échecs. Il s’est planqué, il a disparu et quand il est revenu, il a niqué tout le monde. Et puis il a de nouveau disparu. C’est ce qu’on a fait. Je savais que c’était la meilleure décision qu’on pouvait prendre.

La musique de Sleep, et Dopesmoker en particulier, c’est quelque chose de très physique…

Oui, quand tu joues ce genre de musique, tu es obligé d’être en mouvement. C’est un peu comme une danse. Tu ne peux pas la jouer sans bouger. C’est un art martial. High On Fire, c’est un peu ça aussi tout en étant beaucoup plus technique. Il y a beaucoup plus à penser et puis je dois jouer et chanter en même temps. La préparation est différente. Avec Sleep, il faut réussir à faire décoller les gens simplement avec un « son ». Tu as vu le film Dune ? Tu te souviens de cette arme qui convertit les sons en rayons laser ? Et bien c’est exactement ça : molester les gens avec le son.

Ça requiert une forme de concentration particulière ?

Il faut que tout soit parfait. Chad, le technicien, prend ma guitare et joue pendant que je règle mes pédales et les potards de l’ampli. Là, généralement, je me mets à arpenter la scène de long en large (il décrit un mouvement circulaire sur un plan imaginaire) et je me concentre sur chaque degré du son. Ainsi, quand j’arrive sur scène, je sais précisément ce que les gens vont entendre et ressentir.

Je n’ai pas écouté le nouveau mastering de la réédition de Dopesmoker qui vient de paraître chez Southern Lord…

Les techniques de mastering sont bien plus perfectionnées aujourd’hui. Il est encore meilleur que l’original.

Aux ATP, vous aviez joué un vieux morceau inédit, « Antarctican’s Thought » je crois, et je m’attendais à ce qu’il figure sur cette réédition mais ça n’est pas le cas. Vous n’avez pas l’intention d’enregistrer de nouveaux morceaux ?

(Pause… sourire énigmatique). C’est un mystère… Je n’ai pas envie de dire quoi que ce soit aux gens si j’ai la possibilité de les surprendre. En fait, je n’en sais rien.

Mais toi, tu aimerais ?

Je ne répondrai pas à la question. C’est pour ça que c’est un mystère.

Ok. Pour finir, qu’est-ce que tu vas faire en rentrant chez toi après la tournée?

I’m going to sleep !

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Sleep – Dopesmoker « Deluxe Reissue » (Southern Lord)

Francoise Massacre
Publié dans: (new) NEW NOISE #11 (juillet/août 2012)
couv NEW NOISE #11

« Daily Note » Villette Sonique

24 Avr

Le « Daily Note » Villette Sonique édité par Red Bull et fomenté par l’équipe de Dirty est arrivé.
Au menu :

– François K par Didier Lestrade,
– une histoire accélérée du Doom en image par Lelo Jimmy Batista et Nagawika,
– Les Melvins et le grunge par moi-même,
– 10 raisons de croire encore au punk rock en 2012 par Lelo Jimmy Batista,
– L’influence de la codéine dans le Hip hop par Etienne Menu,
– Une interview de R. Stevie Moore et un article sur Carter & Tutti par Julien Bécourt aka Eva Revox,
– Un papier sur I:Cube par Philippe Azoury,
– La story tortueuse de Christopher Owens de Girls par Clovis Goux,
et les mots croisés de Guillaume Sorge.

Le journal est disponible gratuitement dès maintenant à l’accueil de la Villette et bientôt un peu partout dans Paris.

DOSSIER 2008 – Déception

23 Mar

MISSION OF BURMA @ La Villette Sonique 2008 (Paris)

Ce soir-là, on était venus pour Mission of Burma, pas vraiment pour Shellac. Il faut dire que dans la micro-discographie des Bostoniens, rien n’est à jeter, que les échos de leurs derniers concerts à Paris étaient tous fameux et que pour le coup, la dernière apparition de Shellac au Bataclan (un « Bob Weston Show » tout du long) nous avait considérablement refroidis. Bilan de La Villette Sonique : Chicago = 1 (concert exceptionnel) / Boston = 0 ! Mission of Burma non accomplie : un son dégueulasse (pourtant, c’est Bob Weston à la façade. Sabotage ?), des morceaux à peine reconnaissables, un chant archi-faux d’un côté, inaudible de l’autre et le charisme : oublié backstage. On était venus pour Burma, on est repartis réconciliés avec Shellac.
Francoise Massacre
Publié dans: NOISE MAG #8 (jan/fév 2009)
couv NOISE MAG#8