Live At The Witch Trials
(Step Forward, 1979)
Premier album studio enregistré et mixé en deux jours et déjà deux tubes (« Frightened », « Rebellious Jukebox ») et une première tentative d’embrouille : Live At The Witch Trials n’est pas un live. A posteriori, on peut dire que ce disque (à fourrer paresseusement dans la catégorie post-punk) contient déjà tout ce qui caractérisera la patte dégénérée de The Fall à travers les décennies, malgré les innombrables variantes stylistiques et les multiples changements de personnel : un groove rock ultra-répétitif, obstiné, teigneux, extrémiste, emmené par la verve vitupérante de l’odieux Mark E. Smith qui, sur le morceau-titre, résumera d’ailleurs dans un insupportable éclair de lucidité toute la musique de The Fall présente et à venir : « We were early and were late ».
Grotesque (After The Gramme)
(Rough Trade, 1980)
Premier album avec le batteur Paul Hanley (alors âgé de 15 ans à peine), Grotesque fut souvent taxé de difficile, d’expérimental et d’impénétrable. Ce disque reste pourtant un monument de bile prolétaire et de logorrhée ordurière, avec un Mark E. Smith sous speed, hystérique (une truie ?) et frustre comme jamais, et une enfilade de fulgurances kraut, new-wave, psyché ou garage-punk presque aussi malsaines que frénétiques : « Impression Of J. Temperance », « The Container Drivers », ou encore « New Face In Hell » et son kazoo. Douze ans plus tard, ce titre sera plagié (ou célébré) par Pavement dans « Conduit For Sale », ce qui, bien sûr, mit Mark E. Smith dans une colère noire. L’arroseur arrosé.
Hex Enduction Hour
(Kamera, 1982)
Sur Hex Enduction Hour enregistré entre l’Islande et l’Angleterre, Mark E. Smith laisse libre cours à sa fascination pour le fantastique et le surnaturel (entre deux glaviots cyniques et décapants à l’encontre de la presse par exemple). Musicalement, l’album montre la face la plus revêche et sauvage du groupe, aussi à l’aise dans les tempos frénétiques que sur les titres plus mesurés ou nébuleux et emmené par le groove libre et monolithique des deux batteries de Paul Hanley et Karl Burns. Un must-have absolu boudé par la Motown. Pour l’anecdote, « Hip Prest » sera utilisé dans l’une des scènes-clé du Silence Des Agneaux.
Extricate
(Fontana, 1990)
Fin de la période Brix (la femme de Smith pendant sept années de calvaire et de claviers vient d’obtenir le divorce) et retour du guitariste Martin Bramah (membre fondateur de The Fall puis de Blue Orchids). Avec un son impeccable, presque FM, une prod ultra-léchée, des arrangements bien soignés (saxo, flûte, hautbois, violon…), Extricate est un disque singulier, particulièrement sage et accessible avec, sur certains titres, de forts relents de la scène de Madchester. Bien que le Slang King opère dans un registre beaucoup moins gueulard que de coutume (on le trouverait presque touchant sur le très kitsh « Bill Is Dead »), cela ne l’empêche pas de déverser quelques sarcasmes bien sentis. Les femmes en prennent pour leur grade, on comprend pourquoi. Mention spéciale désastre pour le calamiteux « Pop Corn Double Feature ».
Are You Are Missing Winner
(2001)
Après l’abominable The Unutterable, Smith a le bon sens de renouveler son backing band. “The new Fall”, comme il le beugle environ 54 fois dans le morceau d’ouverture, se voit incomber la lourde tâche de sauver le groupe de la déroute. Si AYAMW est fatalement plus réussi que son prédécesseur, il ne casse pas non plus trois pattes à un canard. Une sorte de tentative un peu laborieuse pour retrouver l’énergie des titres les plus garage des débuts. Faute d’inspiration, le groupe se fend de trois reprises : « Gotta see Jane» (R. Dean Taylor), « Bourgeois Town » (« The Bourgeois Blues » de Leadbelly) et “Ibis-Afro Man” (« Africa Man» de Iggy Pop). Mark E. Smith aboie, la caravane passe.
Reformation Post-TLC
(Sanctuary, 2007)
Le prodigieux triomphe du vain et de la nonchalance. Enregistré avec un backing band « sorti d’usine » entièrement constitué d’Americains (à l’exception de la dernière Mme Smith en date) rompus au slap bass, Reformation Post-TLC ressemble à un gigantesque brouillon, une vaste escroquerie, une slackerie ultime dont « Das Boat » constitue un summum en terme de louferie et de vacuité et que seuls les vrais experts en Fall-ologie pourront apprécier à sa juste valeur (parce que le pire de The Fall sera toujours meilleur que le meilleur du passable). Pour les autres, que les choses soient claires : n’achetez pas ce disque.
Imperial Wax Solvent
(Sanctuary, 2008)
Une déferlante de garage motorik répétitif, saturé et bilieux (Jon Spencer, va mourir) saupoudré des indispensables et habituelles crétineries à clavier. Le meilleur album de The Fall depuis… très longtemps. Débarrassé de ses Amerlocks Post-TLC, le marquis, dans son nouveau costard 100% british, est au sommet de sa forme déglinguée et de sa pugnacité dans l’Art si particulier de s’en battre royal.
Francoise Massacre
Publié dans: NOISE MAG #16 (juin/juillet 2010)
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