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7 albums de THE FALL

9 Oct

Live At The Witch Trials
(Step Forward, 1979)
Premier album studio enregistré et mixé en deux jours et déjà deux tubes (« Frightened », « Rebellious Jukebox ») et une première tentative d’embrouille : Live At The Witch Trials n’est pas un live. A posteriori, on peut dire que ce disque (à fourrer paresseusement dans la catégorie post-punk) contient déjà tout ce qui caractérisera la patte dégénérée de The Fall à travers les décennies, malgré les innombrables variantes stylistiques et les multiples changements de personnel : un groove rock ultra-répétitif, obstiné, teigneux, extrémiste, emmené par la verve vitupérante de l’odieux Mark E. Smith qui, sur le morceau-titre, résumera d’ailleurs dans un insupportable éclair de lucidité toute la musique de The Fall présente et à venir : « We were early and were late ».

Grotesque (After The Gramme)
(Rough Trade, 1980)
Premier album avec le batteur Paul Hanley (alors âgé de 15 ans à peine), Grotesque fut souvent taxé de difficile, d’expérimental et d’impénétrable. Ce disque reste pourtant un monument de bile prolétaire et de logorrhée ordurière, avec un Mark E. Smith sous speed, hystérique (une truie ?) et frustre comme jamais, et une enfilade de fulgurances kraut, new-wave, psyché ou garage-punk presque aussi malsaines que frénétiques : « Impression Of J. Temperance », « The Container Drivers », ou encore « New Face In Hell » et son kazoo. Douze ans plus tard, ce titre sera plagié (ou célébré) par Pavement dans « Conduit For Sale », ce qui, bien sûr, mit Mark E. Smith dans une colère noire. L’arroseur arrosé.

Hex Enduction Hour
(Kamera, 1982)
Sur Hex Enduction Hour enregistré entre l’Islande et l’Angleterre, Mark E. Smith laisse libre cours à sa fascination pour le fantastique et le surnaturel (entre deux glaviots cyniques et décapants à l’encontre de la presse par exemple). Musicalement, l’album montre la face la plus revêche et sauvage du groupe, aussi à l’aise dans les tempos frénétiques que sur les titres plus mesurés ou nébuleux et emmené par le groove libre et monolithique des deux batteries de Paul Hanley et Karl Burns. Un must-have absolu boudé par la Motown. Pour l’anecdote, « Hip Prest » sera utilisé dans l’une des scènes-clé du Silence Des Agneaux.

Extricate
(Fontana, 1990)
Fin de la période Brix (la femme de Smith pendant sept années de calvaire et de claviers vient d’obtenir le divorce) et retour du guitariste Martin Bramah (membre fondateur de The Fall puis de Blue Orchids). Avec un son impeccable, presque FM, une prod ultra-léchée, des arrangements bien soignés (saxo, flûte, hautbois, violon…), Extricate est un disque singulier, particulièrement sage et accessible avec, sur certains titres, de forts relents de la scène de Madchester. Bien que le Slang King opère dans un registre beaucoup moins gueulard que de coutume (on le trouverait presque touchant sur le très kitsh « Bill Is Dead »), cela ne l’empêche pas de déverser quelques sarcasmes bien sentis. Les femmes en prennent pour leur grade, on comprend pourquoi. Mention spéciale désastre pour le calamiteux « Pop Corn Double Feature ».

Are You Are Missing Winner
(2001)
Après l’abominable The Unutterable, Smith a le bon sens de renouveler son backing band. “The new Fall”, comme il le beugle environ 54 fois dans le morceau d’ouverture, se voit incomber la lourde tâche de sauver le groupe de la déroute. Si AYAMW est fatalement plus réussi que son prédécesseur, il ne casse pas non plus trois pattes à un canard. Une sorte de tentative un peu laborieuse pour retrouver l’énergie des titres les plus garage des débuts. Faute d’inspiration, le groupe se fend de trois reprises : « Gotta see Jane» (R. Dean Taylor), « Bourgeois Town » (« The Bourgeois Blues » de Leadbelly) et “Ibis-Afro Man” (« Africa Man» de Iggy Pop). Mark E. Smith aboie, la caravane passe.


Reformation Post-TLC
(Sanctuary, 2007)

Le prodigieux triomphe du vain et de la nonchalance. Enregistré avec un backing band « sorti d’usine » entièrement constitué d’Americains (à l’exception de la dernière Mme Smith en date) rompus au slap bass, Reformation Post-TLC ressemble à un gigantesque brouillon, une vaste escroquerie, une slackerie ultime dont « Das Boat » constitue un summum en terme de louferie et de vacuité et que seuls les vrais experts en Fall-ologie pourront apprécier à sa juste valeur (parce que le pire de The Fall sera toujours meilleur que le meilleur du passable). Pour les autres, que les choses soient claires : n’achetez pas ce disque.

Imperial Wax Solvent
(Sanctuary, 2008)
Une déferlante de garage motorik répétitif, saturé et bilieux (Jon Spencer, va mourir) saupoudré des indispensables et habituelles crétineries à clavier. Le meilleur album de The Fall depuis… très longtemps. Débarrassé de ses Amerlocks Post-TLC, le marquis, dans son nouveau costard 100% british, est au sommet de sa forme déglinguée et de sa pugnacité dans l’Art si particulier de s’en battre royal.

Francoise Massacre
Publié dans: NOISE MAG #16 (juin/juillet 2010)
couv NOISE MAG#16

NOISE#16 – En kiosque le 13 juin

30 Mai

Tiens, personne ne l’ouvre cette fois ?  Deux solutions : soit The Fall met tout le monde d’accord, soit tout le monde s’en fout. Les pronostics sont ouverts.

L’interview d’Aluk Todolo ayant fini par capoter (silence radio)  ma contribution « officielle » s’arrête à une paire de chroniques et un petit guide discographique de The Fall en complément de l’interview « old fart » de l’ami Lelo : pour vous, les jeunes.

En couv: The Fall
Mirror Mixtape:
High Tone
Label:
Western Vinyl
Interviews: Karma To Burn, Wovenhand, Liars, Foals, Deftones, The National, Thee Silver Mt Zion, Atari Teenage Riot, Brendan Perry, Triclops!, Yeasayer, Unkle, Brant Bjork, Cocorosie, Watain, 108, Ventura, Year Long Disaster, Raymonde Howard, 65daysofstatic, To Kill A Petty Bourgeoisie, Child Abuse, Serena Maneesh, Collapse, Cypress Hill, Bonjour Afrique!, Hooded Menace, Archie Bronson Outfit, Holy Fuck, Jeremy Jay, La Corda, I Love UFO, Practical Weapon, Wormrot, October File, Memory Tapes, The Disciplines.

THE FALL – Imperial Wax Solvent

31 Déc

The Fall - Imperial Wax Solvent

(Sanctuary, 2008)

Le saviez-vous ? Entre la sortie du 26ème et du 27ème album de The Fall, Mark E. Smith a déclenché un véritable scandale animalier en Grande-Bretagne. Rions un peu avec un petit résumé de l’histoire :
En avril dernier, le leader de The Fall déclarait à Uncunt Magazine : « Faire la peau à écureuil rouge en voie d’extinction avec un taille-haie : avec joie ». Dans la foulée, il lâchait : « Les écureuils ne signifient rien pour moi. J’en ai tué deux le week-end dernier. Ils étaient en train de bouffer ma haie ». Indigné, l’un des hauts responsables de la Société Royale pour la Prévention des actes de Cruauté envers les Animaux (RSPCA) dénonçait les propos de Mark E. Smith, les qualifiant d’offensants et d’« extrêmement irresponsables ». Peu de temps après, Smith était surpris en flagrant délit alors qu’il courait après des mouettes. Choqué, le même responsable de la RSPCA de commenter : « Courir après les mouettes constitue également une offense. (Ndlr : Rires) La RSPCA a déjà entamé des poursuites contre des gens qui tuaient illégalement des écureuils et des mouettes (Ndlr : Rires BIS) et n’hésitera pas à recommencer s’il le faut ! ». A noter que l’autobiographie Renegade : The Lives and Tales of Mark E. Smith vient d’être publiée chez les éditions PENGUIN.
Nul ne sait si Mark E. Smith purge aujourd’hui sa peine de travaux d’intérêt public en nettoyant le guano des rives du Mersey mais une chose est certaine, c’est que le vieux busard vient de pondre le meilleur album de The Fall depuis très longtemps (et qu’il est même tellement bon qu’en toute logique, personne en France n’a jugé utile de le distribuer). Exit les amerlocs du backing band de Reformation Post-TLC qui avaient été embauchés dans l’urgence par Smith après que trois des membres de la formation antérieure l’eurent lâché au beau milieu d’une tournée aux USA en avril 2006 (d’où l’acronyme TLC pour Traitors, Liars and Cunts). Exit, donc, les amerlocs, et avec eux la basse slappée, le son propret et les atermoiements, enfin, exit cette grotesque mésalliance géoculturelle consistant à faire jouer des non-anglais dans LE groupe anglais par excellence. Peut-être qu’à force de changer de line-up, The Fall aura tôt fait d’avoir épuisé tous les musiciens anglais d’Angleterre, du Royaume-Unis, du Commonwealth et du monde entier sans exception mais en attendant, le marquis, dans son nouveau costard 100% british, est au sommet de sa forme déglinguée et de sa pugnacité dans l’Art si particulier de s’en foutre royal. Imperial Wax Solvent démarre d’emblée par un chaloupement inédit si l’on s’en fie à ma connaissance parcellaire de l’incommensurable giga-discographie de The Fall, quelque chose entre swing retro, jazz 50’s, exotica et une atmosphère type sci-fi de série B avant l’invention de la couleur. Mais à quelques exceptions près, IWS est un disque à grosse dominante garage motorik, saturé, crasseux et totalement dénué d’attitude. Grands moments : « Wolf Kidult Man » qui enterre sur le champ John Spencer avec tous ses rejetons, suivi immédiatement du morceau de bravoure de l’album, « 50 Year Old Man », génial triptyque de 11 minutes sur lequel Mémé grogne son contentement de quinquagénaire avec un plaisir menaçant (« I’m a 50 year old man and I like it / I’m a 50 year old man and I’m proud of it !») sur les trois parties tourbillonnantes bien distinctes du morceau tour à tour garage up-tempo, mid-tempo puis glam entrecoupées par un premier interlude country megacrétin au banjo et un deuxième dans une veine plutôt saccage bruitiste. Toujours garage, mais moins emphatique et plus lascif (pour autant que l’adjectif « lascif » puisse être associé à Mark E. Smith) « Strange Town » est une excellente reprise, très stoogienne, des Groundhogs dont The Fall avaient déjà revisité « Junkman » sur Middle Class Revolt en 94. Et puis, comme l’exige la tradition, « I’ve Been Duped » avec son refrain totalement pompé à Sonic Youth (they’ve been duped !) est LE morceau de l’album concédé à la courageuse Madame Smith alias Elena Poulou, comme « The Wright Stuff » l’était sur l’album précédent. Niveau curiosités enfin, on retiendra « Taurig », espèce de tentative nébuleuse kraut-electro-danse, suprême exemple de bâclage lourdingue intentionnel (un genre à part entière chez The Fall), mais la palme va sans conteste à « Can Can Summer » qui contient l’un des croassements smithiens expectorés les plus franchement crevants que j’ai entendus : « MY BOSS… He has the imagination of a GNAT ! ».
La musique de The Fall, « toujours différente, toujours la même » et parfois, encore meilleure.
Francoise Massacre
Publié dans: NOISE MAG #6 (été 2008)
couv NOISE MAG#6

THE FALL – Reformation Post-TLC

5 Juin

THE FALL - Reformation Post TLC (Santuary, 2007)
(Sanctuary, 2007)

Les enfants, ça y’est, c’est le début de la fin. Retenez-moi, enchaînez-moi, kidnappez-moi, ou je cours postuler chez Rock’n’Folk. On est en avril, et les deux albums que j’ai le plus écoutés depuis ce début d’année, que j’aime le plus, et dont je ne me suis pas encore lassée sont des disques de vieillards patentés dont tout le monde, ou presque, s’accorde à dire qu’ils sont passablement désastreux, surtout en ce qui concerne le second : Le Stooges (passe encore) et le nouveau The Fall… Bon sang, une chance que les Ramones soient presque tous morts et hors d’état de nuire. Que les choses soient claires : n’achetez pas ce disque, ou si vous l’achetez, ne venez pas vous plaindre. La rédaction et moi-même déclinons toute responsabilité. Car comme Mark E. Smith, seul membre permanent de The Fall depuis la fin des 70’s, la faute de goût est éternelle et ne fait même que commencer. C’est pas moi qui le dit, c’est lui, sur « Over ! Over ! », avec sa voix de pilier et son air légendaire de s’en battre royalement les gonades : « I think it’s over now, I think it’s beginniiin-g ». D’ailleurs, il s’en fout tellement que non content d’avoir raflé sans vergogne ce texte au « Coming Down » de United Stated Of America, il lui a aussi piqué sa ligne de basse. L’enflure. Ça n’est pas nouveau, mais c’est toujours aussi culotté. Du culot à la limite du je-m’en-foutisme, il en fallait aussi pour engager un backing-band entièrement composé d’Américains (à l’exception de sa courageuse épouse). Pour le groupe le plus anglais de la Terre, ça aurait pu faire désordre, mais comme par miracle, ils sont tous aussi lessivés que le patron. On se demande même lequel va s’endormir en premier. C’est que faire la tournée des pubs avant de rentrer en studio, ça vous fout une session en l’air. Ça vous fait faire des bêtises : un morceau à rallonge pendant lequel il ne se passe rien (« Das Boat ») – si ce n’est trois slackeries électroniques et autant d’onomatopées apathiques, mais qui a sûrement permis à ce petit monde de prendre le temps de cuver bouffonnement leur baril de pale ale – ou bien une reprise de Merle Haggard outrageusement tarte à reléguer Linda Ronstadt au rang d’outsider. Décidément, tout, dans ce Reformation Post TLC, joue, à priori en sa défaveur. J’ai vraiment tout fait pour ne pas aimer ce disque, ou disons, pour l’aimer un peu moins mais je n’ai pas réussi. Ça fait 30 ans que Mark E. Smith se fout de la gueule du monde et 30 ans que The Fall chute sans jamais toucher le sol. Reformation a beau s’approcher du brouillon, il contient encore ces perles typiquement falliennes, identifiables entre mille, qui l’emportent largement sur tout le reste : un rythmique motorik à la Neu !, un clavier plus mancunien que New Order, une basse à la Suicide, une imitation grotesque de Captain Beefheart, deux mots répétés en boucle jusqu’au malaise éthylique, et toujours, cette insolente nonchalance (dont Madame Smith tire admirablement partie sur « The Wright Stuff »). Ça ressemble a une recette mais ça n’en est pas une. The «Fall Sound» n’a pas de recette.
Francoise Massacre
Publié dans: NOISE MAG #1 (Juin 2007)

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