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LONG FIN KILLIE – Houdini

29 Mar

(Too Pure, 1995)

Plutôt que de vous parler des Melvins (… soupirs ?), jouons un peu. Question n°1 : Quels sont les deux points communs entre le roi de l’évasion Harry Houdini, l’acteur Rudolf Valentino et l’aviatrice Amelia Hearheart ? Réponse : Le premier, c’est que ces trois célébrités sont mortes jeunes, fauchées en pleine gloire. Le second, c’est que toutes ont donné leur nom – ou leur prénom – aux trois uniques albums de Long Fin Killie. Question n°2 : Et maintenant, qui, dans l’assemblée, se souvient encore de ce combo écossais déterré par Too Pure au milieu des 90’s, et de son petit génie black Luke Sutherland ? (Un type, un seul, lève timidement la main au fond de la salle). Hè ! Mais enfin, que fait la communauté indie-pop, celle qui a pourtant dépensé tant d’encre et tant de salive à œuvrer en faveur la réhabilitation planétaire de Talk Talk et de Mark Hollis ?! Such a shame ! Long Fin Killie n’aurait-il pas droit aux mêmes égards ? Surtout que les deux groupes entretiennent quelques liens de parenté stylistique évidents.
La voix d’abord, androgyne, expressive et légèrement voilée, dont Sutherland le bavard use néanmoins avec beaucoup plus de volubilité que ne le fait Hollis le laconique. Ensuite, il y a cette façon de faire dans la dentelle avec un parc instrumental étoffé de quelques curiosités hors du champ traditionnel guitare/basse/batterie. Sur ce premier album par exemple, on trouve, au hasard des morceaux, un bouzouki, des violons, une mandoline, un saxo en longues notes étirées, un dulcimer, un piano à pouces et quelques percussions, autant de couleurs que Long Fin Killie enfile comme des perles à son collier de pop songs supra tordues et bariolées millésimées 90’s. Houdini.
Vous n’avez pas idée à quel point ce disque était risqué. Comme il aurait pu être désastreux s’il n’avait pas été globalement sublime. Imaginez un mille-feuille dont toutes les couches seraient faites de saveurs à priori inconciliables les unes avec les autres : un peu de krautrock par-ci, un peu de shoegaze par-là, une bonne grosse rasade de rock, de préférence préfixé de son post, de son pop et de son indie, un doigt de musique celtique, une larme de musique de chambre, une pincée de free jazz et de minimalisme répétitif, un soupçon de dream-pop, un Mark E. Smith bien faisandé (et légèrement tourné) en renfort sur The Heads Of Dead Surfers, quelques plages de grand calme et autant d’emphase que de subtilité (peut contenir des traces de rythmiques africaines ou de dub artisanal). Le tout lié par des textes à coucher dehors, volontiers ambigus entre onirisme et nombrilisme, et porté par un phrasé alambiqué, un brin orgueilleux, genre Morrissey. Rien que d’y penser, c’est l’indigestion, le gros caca mou. Mais finalement, lorsqu’on y goûte, c’est organique, c’est harmonieux, c’est riche et fin à la fois, c’est comment dire… de la grande cuisine.
Francoise Massacre
Publié dans: NOISE MAG #8 (jan/fév 2009)
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