FLIPPER – The four reissues rule, OK?

21 Mai

Flipper

Okay. Steve Tupper, le patron du label Subterranean (qui a sorti la plupart des disques majeurs de Flipper, épuisés depuis belles lurettes), n’avait pas tort. Quand on lui demandait pourquoi il laissait moisir les bandes dans la poussière de ses locaux au lieu de les rééditer, il répondait : « Flipper, aujourd’hui tout le monde s’en branle ». On comprend pourquoi Bruce Loose, camé jusqu’à l’os, lui vola les masters au début des années 90. Mais Steve Tupper n’avait pas tort même s’il aurait été beaucoup plus juste de dire : « Flipper, tout le monde s’en branle depuis 1979 ». Alors Flipper enfin réédité, bien sûr que tout le monde s’en branle (don’t be stupid), n’empêche que tout le monde attendait ça. Tout le monde. Steve Tupper a merdé, Water l’a fait.
Parce que c’était nécessaire. (Flipper rules, okay ?)
Parce que Flipper n’était pas juste ce groupe de branleurs junkies incapables de jouer correctement. (Flipper rules, okay ?)
Parce que Flipper, c’était bien plus que ça. (Flipper rules, okay ?)
C’était… le meilleur groupe de branleurs junkies incapables de jouer correctement.
C’était le groupe « qu’on aimait détester » et les mêmes qui braillaient « Flipper sucks ! » ne manquaient jamais un concert (nevermind, you wouldn’t understand anyway).
C’était un groupe dont toute une génération de musiciens ne s’est jamais vraiment remise, du Gun Club à Unsane en passant par Mission Of Burma, les Melvins, Black Flag bien sûr, Nirvana et Kurt Cobain (son fameux t-shirt home-made au poisson mort), REM, Sebadoh, Mike Patton ou Rick Rubin. J’en passe et des dizaines. Okay ?
Flipper émerge en 1979 des décombres de Negative Trend dans le quartier de SoMa (South Of Market) à San Francisco. « Earthown », le premier morceau du groupe, est enregistré pour la compilation SF Underground (Subterranean). Avec leur premier single en 81 (Love Canal / Ha Ha Ha) le message est clair : le hardcore est rapide ? Flipper sera lent. Pas besoin de jouer vite pour être un punk (le message sera reçu 5/5 par les Melvins et par le Black Flag de 1984). Le hardcore est hostile ? Flipper sera encore plus hostile, encore plus agressif, encore plus provoc’ et surtout, beaucoup plus drôle. Flipper, c’est le chaos, un chaos visqueux et psychédélique, des tempos flottants, un anti-groove fascinant et nébuleux et des textes, souvent sardoniques, toujours excellents. Un morceau de Flipper, c’est une tournerie élémentaire, un ou deux riffs de basse ronde et distordue, un ou deux plans de batterie et une guitare, celle de Ted Falconi, le vétéran du ‘Nam. Une guitare qui est loin, très loin, en dehors de tout et qui échappe à toute logique.
Écouter Flipper, c’est comme écouter un 45 tours en vitesse 33. Écouter « Love Canal », ça n’est pas du tout comme écouter une chanson d’amour. C’est le malaise, le gros malaise. Will Shatter, Steve DePace et Ted Falconi font les poubelles des Stooges (rock’n’roll élimé, seringues à moitié pleines et canettes à moitié vides) pendant que Bruce Loose éructe les ravages de la pollution chimique du site de Love Canal, côté victimes : « Our children look like monsters / We feel pain / Poison is killing our every cells / We are dying / Our common grave is the Love Canal ». Après ça, tu tournes quand-même le vinyl, et voilà ce que tu te prends en pleine face : « Ha Ha Ha Ha Ha Ha Ha ! Ho Ho Ho Ho Ho Ho Ho ! He He He He He He He ! », soit le second message du single qui dit que chez Flipper, après la pluie acide, vient toujours le beau temps, celui du fun et du rien à foutre. Le single suivant est porteur des mêmes messages. En face A, « Brainwash » est une grosse blague, une foirade de studio up-tempo bouclée 15 ou 20 fois à l’identique (« Uh… Ok… Like… And…Nevermind, you wouldn’t understand anyway», repeat, repeat). En face B, « Sex Bomb Baby » : un hit, 10 minutes, 7 mots (« She’s a sex bomb my baby – Yeah ! », repeat, repeat), et une ligne de basse passée dans l’inconscient collectif, ouverte à toutes sortes de sons, cris, saxophone, sirènes et bruits de verre brisé. Comme tous les morceaux de Flipper, « Sex Bomb » sera systématiquement et minutieusement saboté sur scène, le terrain de jeux favori du groupe, là où tous les coups sont permis.

FLIPPER - Generic

Album Generic Flipper
(1982, Subterranean / 1992, Def American / 2008, Water)

En 82, Flipper sort son premier album studio pour Subterranean, Album, Generic Flipper ou Generic, au choix. C’est la première des quatre rééditions CD de Water, avec des notes de pochettes signées par Krist Novoselic, ex-Nirvana et bassiste du Flipper reformé de 2006 à 2008. Generic était largement épuisé depuis son repressage vinyl de 92 sur American Recordings, le label de Rick Rubin. À l’intérieur, le docteur Fisher HIFI nous prévient « À prendre conjugué à des boissons alcoolisées. Volume maximum ! ». Les morceaux sonnent comme du live. Dans la musique aussi bien que dans le texte, Generic est une sorte de bras d’honneur rampant et désinvolte (parfois nihiliste) à l’encontre de toute forme d’establishment : celui de la classe moyenne, celui du mouvement punk/hardcore, celui de toutes les idées préconçues. Rien n’échappe aux sarcasmes de Will Shatter et de Bruce Loose qui se relayent à la basse, au micro, à la défonce et aux flashs de génie. Le glauque (« (I saw you) Shine »), le fun (« Sex Bomb »), l’espoir (« Life is the only thing worth ! ») et le désespoir (« All we’re really living for is to die ») n’ont jamais aussi bien cohabité. La pochette jaune, d’une sobriété totale, reprenait le code couleur des emballages de nourriture générique en vente dans les supermarchés de l’époque. Code barre = F.L.I.P.P.E.R. Quelques temps plus tard, le packaging de la bouffe générique change de couleur – blanc et bleu – et de l’autre côté de l’Atlantique, John Lydon et Public Image Limited en profitent pour reprendre discrètement le concept pour la pochette d’Album-Cassette-Compact Disc en 86. Discrètement ? Pas suffisamment. Flipper se marre. Sa réponse sera Public Flipper Limited.

FLIPPER - Gone Fishin

Gone Fishin’
(1984, Subterranean / 2008, Water)

Entre temps, Flipper sort Gone Fishin’ en 1984. Deuxième album studio, deuxième album parfait. Flipper joue vaguement le jeu de la production. Flipper s’amuse à marier quelques timbres supplémentaires à son slow-core glaireux (piano, clavinette, percussions électroniques et toujours le sax). Flipper ajoute même une touche de funk improbable à son post-punk mutant (« First The Heart » commence comme du Minutemen et se termine comme du Contortions sous perf). Mais Flipper reste toujours aussi viscéral, huileux et mordant, tapi entre l’ombre et la lumière. Cette fois, les notes de pochette de la réédition sont signées Buzz Osborne, qui n’a pas échappé non plus à la révélation Flipper (les Melvins reprendront « Someday » et « Love Canal » sur un 5’’ en 1990, et « Sacrifice » sur Lysol deux ans plus tard). L’artwork du CD reproduit fidèlement celui de Subterranean, avec le Flipper van et les quatre membres du groupe à découper selon les pointillés et à monter soi-même. À l’époque, le label proposait d’envoyer une pochette vide pour 2$ supplémentaire.

FLIPPER - Public Flipper LTD

Public Flipper Limited
(1986, Subterranean / 2008, Water)

Le concept de la pochette du double-live Public Flipper Limited est encore meilleur : une sorte de jeu de l’oie à déplier représentant le circuit d’une tournée de Flipper à travers les États-Unis. Des cartes à découper sont fournies dans l’insert. Exemple : Wake up in pretty girl’s bed = + 10 pts / Wake up in pretty girl’s bed and she says she has herpes = –5 pts / Wake up in pretty girl’s bed and she says she has herpes, and the rest of the band finds out = -20pts / Spend the day sober = -5 pts, go back 3 spaces. À chaque ville, tu tires une carte. À la fin, tu comptes les points. Simple ? Non ? Presque autant que d’avoir sorti cette double tartine grandiose en plein déclin du hardcore américain. Sept morceaux live enregistrés entre 80 et 85 et un foutoir rarement égalé. En plus des traditionnels « Sex Bomb » (saboté), « Life » (sacagé), « Love Canal » (démoli) ou « Brainwash » (Bruce Loose : « We’re going to play our only punk rock song now ». Brouhaha, 3 accords, 10 secondes, fin du morceau. « Hey, Am I Billy Idol yet ? »), on retrouve quelques incontournables des concerts de Flipper, notamment « Flipper Blues » ou « The Wheel » que le groupe faisait parfois tourner pendant plus de trois-quarts d’heure jusqu’à ce que la salle soit complètement vide.

FLIPPER - Sex Bomb Baby !

Sex Bomb Baby!
(1988, Subterranean / 1995, Infinite Zero / 2008, Water)

En 1987, Will Shatter succombe à une overdose d’heroine. Un an plus tard, Subterranean sort Sex Bomb Baby !, une sorte de compilation des « greatest hits » de cette bande de noiseniks, comprenant les six faces des trois premiers singles, des morceaux sortis sur diverses compilations et cinq titres live enregistrés entre 80 et 82. Les notes de pochettes sont signées Henri Rollins et comme toutes les compilations, Sex Bomb Baby! est un excellent moyen de rentrer dans le monde empoiSSonné de Flipper.
On s’arrête ici, avec le meilleur, avant la reflipperisation de 1991 et l’album post-Shatter, American Graphishy, qui ne fut rien de plus qu’un pétard mouillé. Flipper ruled, okay ?
(Note : les versions vinyles de ces quatre rééditions devraient voir le jour prochainement sur le label Four Men With Beard).
Francoise Massacre
Publié dans: NOISE MAG #9 (mar/avr 2009)
couv NOISE MAG#9

5 Réponses vers “FLIPPER – The four reissues rule, OK?”

  1. Fucker 22 mai 2009 à 14:04 #

    Flipper = la réponse américaine à P.I.L.

    Still rules ? Not okay…

  2. francoise massacre 22 mai 2009 à 17:47 #

    T’as écouté le dernier album? ça me fait un peu peur.
    J’ai envoyé un message à Falconi sur son « Face book » (ahaha) mais il répond pas.

  3. Fucker 22 mai 2009 à 19:23 #

    j’ai écouté quelques morceaux sur leur myspace (hahaha) et j’ai trouvé ça absolument dramatique sauf un titre si je me souviens bien. Euthanasie obligatoire pour les groupes d’ex-junkies ! vite !

  4. francoise massacre 23 mai 2009 à 1:01 #

    aie aie aie… plus mauvais qu’Amercian Graphishy?

  5. Fucker 23 mai 2009 à 3:01 #

    Que quoi ? Qui ?

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